L’esprit de Saint François d’Assise
par Remo Vescia
Saint François est sans doute le personnage qui a eu la plus grande influence sur son temps, le Moyen Âge. Sur l’Italie dont il est le saint patron depuis sa canonisation deux ans seulement après sa mort en 1226 et sur le Vatican qui l’a nommé en 1979, le Patron des écologistes. Plus récemment, le 13 mars 2013, le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio est le premier pape qui a pris le nom de François, exprimant ainsi sa volonté de voir l’Église retourner à sa mission première : être pauvre parmi les pauvres, comme Saint François. Les encycliques promulguées par le pape François sont intitulées d’après des incipit de S. François : Laudato si’, dédiée à la sauvegarde de la maison commune et les questions écologiques et environnementales, Fratelli tutti, en 2020, dédiée au vivre ensemble sur Terre en amitié sociale, comme le recommandait Saint François en s’adressant à ses frères et sœurs de son ordre.
François est ce géant qui depuis huit siècles a eu la plus grande influence sur notre civilisation occidentale entrée désormais en son âge adolescent : elle commence à comprendre enfin la dépendance réciproque des éléments qui peuplent la Terre et l’absolue nécessité d’une solidarité entre eux.
François a compris mieux que tous les hommes d’Église ou hors de l’Église, de tous les penseurs, de tous les philosophes et autres chercheurs de sens, que nous sommes les enfants d’un Créateur bienveillant qui nous parle dans l’intimité de notre cœur, pour nous inviter à devenir comme Lui, notre Père à tous. Tous, pas seulement les chrétiens baptisés, mais tous ceux qui savent combien notre Créateur est grand et miséricordieux.
François sait que la connaissance de Dieu n’est pas une connaissance théorique, abstraite, impersonnelle, que l’on peut s’approprier par des raisonnements logiques ou des constats scientifiques mais au contraire que « l’on ne connaît Dieu que dans la mesure où l’on vit de Dieu, et vivre de Dieu c’est l’accueillir en soi, le laisser vivre en soi, c’est vivre l’Incarnation de Dieu » comme dit Maurice Zundel (1997-1975) qui avait une grande vénération pour le Poverello d’Assise.
François fraternise avec le Cosmos, dit encore Sophie de Villeneuve dans La Croix, le 23/09/2022. Mais aussi avec les grandes profondeurs de l’âme humaine. Car le soleil, le vent, l’eau, le feu, la terre, ne sont pas simplement des réalités de la nature, mais aussi des symboles des forces qui travaillent notre âme. Et c’est avec ces forces, parfois destructrices, que fraternise aussi François. Avec lui, ni l’eau, ni le vent, ni le feu, ni la terre, ni la mort même ne font peur. Et c’est réconcilié avec ces forces que François s’ouvre à l’amour créateur, se reconnaissant lui-même, parmi toutes les autres créatures, près d’elles, avec elles, dépendant de Dieu.
François a compris que nous faisons partie d’un Univers total dont nous sommes responsables, qu’il faut le respecter, l’aimer, le protéger pour qu’il croisse et s’épanouisse et prenne tout son sens.
Il a compris que nous nous inscrivions dans une histoire, une genèse en devenir, en marche vers son accomplissement, son couronnement, comme un arbre au sommet de sa gloire.
Il a compris que nous les humains apparus au bout de la chaîne animale, grâce aux créatures animées et inanimées de l’Univers que François salue en frères et sœurs, que l’étoffe de l’Univers est tissée par la main de Dieu et qu’on peut Le retrouver partout dans la beauté et la bonté du monde.
Il a compris que l’esprit qui nous anime et nous guide vers le Christ homme Dieu, est le commencement et la fin de Tout, l’Alpha et l’Omega de cette merveilleuse aventure, qu’il est la Voie, la Vérité et la Vie.
François a chanté ses émerveillements et son amour de la Création dans le magnifique Cantique des Créatures, le plus beau psaume de Louange de la Vie que l’on puisse chanter.
Altissimo, Onnipotente e Buon Signore, tue sono le laudi, la gloria, l’onore ed ogni benedizione.
A te solo Altissimo, si confanno e nessun uomo è degno di nominarti.
Laudato si’, mio Signore, insieme a tutte le creature, specialmente il fratello Sole, il quale è la luce del giorno, e tu attraverso lui ci illumini.
Ed esso è bello e raggiante con grande splendore: simboleggia te, Altissimo.
Très-Haut Tout-Puissant et bon Seigneur, à toi la louange, la gloire, l’honneur et toute bénédiction.
A toi seul ils reviennent, ô Très-Haut, et personne ne peut dire tout ton mystère !
Loué sois-tu, Seigneur, pour toutes tes créatures, spécialement pour le Soleil, notre grand frère.
Il fait le jour et par lui, tu nous illumines. Il est si beau et si rayonnant. De toi, Très-Haut, il est un magnifique reflet !
Son style de vie… est une lumière pour la société d’aujourd’hui, proclame le pape Benoît XVI : « A la suite de ses nombreux fils spirituels, cultivons, nous aussi, la pauvreté intérieure pour grandir dans la confiance en Dieu et trouver un style de vie sobre et détaché des biens matériels ». Et il poursuit : « Le Poverello était joyeux en toute situation : il y a, en effet, un lien étroit entre la sainteté et la joie. Le secret du vrai bonheur est là : devenir un saint ».
François a donc compris qu’il fallait « se revêtir du Christ » (S. Paul) et que l’Église en est le meilleur garant même si elle demeure constamment à restaurer, à bâtir, à réformer parce qu’elle est composée d’hommes et de femmes faillibles et fragiles avec leur immense soif d’Amour si difficile à assouvir.
François nous fait comprendre le sens de la vie et le merveilleux cadeau qu’elle nous fait dans le respect de la Terre, de ses éléments, du vivant, plutôt que de se laisser aller à la facilité, à l’ignorance, à l’égoïsme, à une vie de repus ou de refus.
L’Esprit de François est l’Esprit du Christ Éternel, Poète suprême qui invite à retrouver l’innocence et l’Amour pour faire de nous des dieux (Saint Athanase).
Proclamons la Gloire de Dieu de tout notre cœur dans l’esprit d’innocence de François, dans la sobriété et l’amour de la Terre, et nous connaîtrons la vraie joie.
A Paris le 24 Janvier 2023
Fête de S. François de Sales
En complément
Avec le père Maurice Zundel