Trois poèmes lus par François Cheng
La vie comme don, et l’éternité comme instant
Ecoutez-le ici parler, comme personne, de l’Etre suprême, de Celui qui est, qui existe, qui se révèle à nous, et dont l’existence est un don, pour nous qui pouvons la recevoir. De tels propos auraient pu donner une leçon de métaphysique mais le ton de simplicité, de vérité, de témoignage, adopté par François Cheng les transforme en un moment de partage fraternel sur ce qui fait l’essentiel de la vie. “La vie est un don inouï et non un dû, conclut François Cheng, la moindre chose devient signe”.
Et puisque la vie est don, chaque instant prend un relief extraordinaire. Car le don n’est pas un état statique, il s’exprime dans l’instant, il est inattendu, inespéré. L’Etre, lui, advient dans l’instant. Et nous, nous tentons aussi à chaque instant, d’accéder à l’être. Mais il faut que l’Etre fasse cet acte d’être, faute de quoi ni le monde ni nous-mêmes n’existeraient. “Dès ici et maintenant, chaque instant nous permet de rejoindre l’éternité” dit François Cheng.
Les questions posées par ses amis dans la salle lui permettent d’évoquer Pascal, Jésus et la voie christique, saint François d’Assise (il est allé à Assise en 1960), le silence et le cri.
Il commente aussi le titre : pourquoi Vraie Nuit ? Il y a bien de fausses nuits (celles des beuveries, des criminels, des camps nazis…). Vraie Nuit : la nuit des mystiques, celle de pouvoir assister à la naissance de la lumière comme au commencement du monde. Il faut donc atteindre la vraie nuit pour atteindre la vraie lumière, revenir au matin du monde, assister à ce moment, à cet instant, où l’Etre advient.
François Cheng a choisi de lire trois de ses poèmes. En voici le texte mais ne manquez pas d’écouter sa voix. C’est la voix d’un sage. C’est la voix d’un homme.
(les poèmes du livre ne portent pas de titre mais François Cheng les a lus en leur donnant un titre que la rédaction de Canal Académie a repris ici).
Premier poème : une prière à la Transcendance
Nous voici dans l’abîme,
Tu en restes l’énigme.
Si Tu dis un seul mot,
Et nous serons sauvés.
Tu restes muet encore,
Jusqu’au bout sembles sourd
Nos cœurs ont trop durci,
En nous l’horreur sans fond.
Viendrait-elle de nous
Une lueur de douceur ?
Si nous disons un mot,
Et Tu seras sauvé.
Nous restons muets encore,
Jusqu’au bout restons sourds
Te voici dans l’abîme,
Nous en sommes l’énigme.
François Cheng explique ici que le fond de l’abîme, ce n’est pas le néant, c’est l’humus.