Teilhard et le féminin par Marie Bayon de la Tour
Je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus (Lettre de St Paul aux Philippiens 3, 12)
Le Père Pierre Teilhard de Chardin et le Féminin[1]
par Marie Bayon de La Tour[2]
Introduction
S’il est un sujet délicat entre tous[3], c’est bien celui des relations d’un religieux, d’un prêtre de l’Église catholique, avec les femmes. Il n’est cependant possible d’aborder la vie affective et spirituelle d’un homme qu’avec un profond respect. A fortiori lorsque ses vœux appellent à un célibat consacré.
La vie du père Pierre Teilhard de Chardin, homme rempli de charme et à l’existence apparemment libre n’échappe pas à de belles et grandes amitiés féminines, il ne faut cependant pas oublier qu’il eut également de nombreux amis masculins. Amis qui furent des piliers pour lui : les Pères Pierre Charles, Auguste Valensin, Henri de Lubac, Bruno de Solages et Pierre Leroy[4] pour ne citer que des religieux, sans omettre les amis laïcs, scientifiques ou non.
L’existence, l’œuvre et la pensée de Pierre Teilhard de Chardin sont d’une extrême cohérence. Dans un témoignage audio enregistré en 1958, Marguerite Teillard-Chambon n’hésite pas à parler de « compénétration » de ces éléments.[5]
Fils de Saint Ignace, Pierre Teilhard vit dans le monde et en quelque sorte « l’affronte » dans toutes ses dimensions. Le « Féminin »[6] en est une dimension fondamentale, il ne l’évite pas, ne l’occulte pas. Mais ne prit-il pas trop de risques ?
Courageusement cependant, il cherche la voie d’intégration de toutes les dimensions de la femme dans l’Église et dans sa vision du Christ universel. Il ne faut pas oublier que la « disposition » habituelle d’un religieux face au féminin, il y a une centaine d’année, n’était certainement pas similaire à celle d’aujourd’hui. Nous pouvons suivre cette quête dans toute son œuvre, cependant elle constitue le thème principal de trois de ses textes : « L’Éternel féminin (1918) »[7], « L’Évolution de la Chasteté (1934)[8] et la fin du « Cœur de la Matière » intitulée « Le Féminin ou l’unitif »[9] rédigé en 1950, soit cinq ans avant son décès.
Il nous est apparu intéressant de mettre en parallèle les principales rencontres féminines de sa vie définie à grands traits, et ce qu’il en dit ou exprime lui-même dans sa correspondance, ses écrits ou son journal.
Certains de ces textes, et c’est important, sont appelés par Pierre Teilhard lui-même « essais » ou « esquisses », n’étant pas destinés à la publication mais constituant des étapes de sa recherche. Car pour « le Féminin » comme pour les autres thèmes abordés dans son existence, le père Teilhard n’a cessé de remettre en question sa vision et de l’approfondir.
Ce parallèle entre sa vie et son œuvre, nous l’étudierons en trois étapes, tout d’abord les femmes de son enfance. Puis, sa cousine Marguerite établissant « le pont » : les rencontres féminines à Paris et dans le monde. Enfin, nous conclurons par une brève étude sur Pierre Teilhard de Chardin et les relations féminines.
- Les femmes de son enfance
Dans son essai autobiographique « Le Cœur de la Matière »[10] écrit en 1950, soit 5 ans avant son décès, Pierre Teilhard lui-même reconnaît ce que lui a transmis sa mère et parle de son « rayonnement »[11] . Il a dit d’elle : « Attentif, son visage beau et grave semblait éclairé par le dedans »[12] , ce visage dans lequel se dévoile pour lui un peu de l’amour de Dieu.[13] Son frère Joseph a écrit « ma mère savait méditer : hors Pierre, Marguerite-Marie et Gabriel, ses enfants n’en étaient pas aussi capables, loin de là.» et plus loin il ajoute : « de temps à autre, elle faisait venir des prédicateurs de son choix dans les vieilles églises d’Orcines ou de Luzillat. Je me souviens surtout du Père Matheo, un zélateur de la dévotion au Sacré-Cœur…» On sait combien le Père Teilhard voyait dans le Sacré-Cœur le lieu de la réalisation de la conjonction du Divin et du Cosmique. A propos de sa mère, le Père Teilhard précise dans ce même texte du « Cœur de la Matière » : « Il fallait que sur moi tombât une étincelle, pour faire jaillir le feu. Or cette étincelle par quoi « mon Univers », encore à demi seulement personnalisé, achèverait de se centrer en s’amorisant[14], c’est indubitablement à travers ma mère, à partir du courant mystique chrétien, qu’elle a illuminé et allumé mon âme d’enfant ».[15] Ainsi, à l’heure où le Père Teilhard se retourne sur son existence, il n’oublie pas l’héritage spirituel transmis par une mère qui avait, non seulement une foi très vivante et une dévotion profonde au Sacré-Cœur, mais encore un souci permanent des autres et de leur éveil spirituel.
Deux des sœurs de Pierre vont mourir jeunes et si la première décède avant sa naissance, le décès de Louise à 13 ans le touche[16] ; il est très tôt confronté à la mort. Mais on ne peut passer sous silence ses deux autres sœurs : Françoise et Marguerite-Marie Teilhard de Chardin. « Je suis persuadée, nous dit sa cousine Marguerite Teillard-Chambon, que ses deux sœurs ont, après leur mère, exercé sur Pierre Teilhard les impressions premières les plus pénétrantes ».
Sa sœur Françoise (1879-1911), entrée en 1903 chez les Petites Sœurs des Pauvres, fut très proche de Pierre. Cette entrée fut un vrai combat spirituel, combat qu’elle mena épaulée par son frère Pierre. C’est à Françoise que Pierre dit un jour (vers 1900-1901) : « Tu regardes ton crucifix à l’envers, ce n’est pas seulement la croix qu’il faut voir, c’est Jésus-Christ qui est dessus » et elle disait : « Il faut se donner à Dieu de trois façons convenables : généreusement, simplement et gaiement ».[17]
Son autre sœur Marguerite–Marie (1883-1936). Grande malade, mais pourtant active au-delà de ses faibles forces, elle était aussi très proche de Pierre. Elle était présidente de l’Union Catholique des Malades, réseau de prière et de soutien mutuel. Marguerite Teillard-Chambon témoigne : entre Pierre et elle « L’amitié fraternelle était devenue une intimité…ils s’écrivaient régulièrement et ils savaient l’un de l’autre tout ce qui comptait vraiment dans leur vie, leur confiance était réciproque.». Monique Givelet a écrit un livre sur Marguerite-Marie[18], livre dont la préface rédigée par Pierre se termine ainsi :
« Ô Marguerite, ma sœur, pendant que, voué aux forces positives de l’Univers, je courais les continents et les mers, passionnément occupé à regarder monter toutes les teintes de la Terre, vous, immobile, étendue, vous métamorphosiez silencieusement en lumière, au plus profond de vous-même, les pires ombres du Monde. Au regard du Créateur, dites-moi, lequel de nous deux aura-t-il eu la meilleure part ? »
Pierre Teilhard est donc né et a grandi dans un terreau profondément chrétien, entouré de femmes animées d’une foi rayonnante avec lesquelles il partageait des relations simples et confiantes Cette confiance en l’autre, il la conservera par la suite, parfois à la limite de la candeur.
- Les rencontres à Paris et dans le monde
Né en 1881, il entre en 1899 dans la Compagnie de Jésus. Lorsque l’on parle du Père. Teilhard, il ne faut jamais oublier combien il est habité par la spiritualité ignatienne. Il est également inspiré par saint Paul et saint Jean ainsi que par les Pères de l’Église.
Poursuivant des études de géologie et de paléontologie, dans le sillage de Bergson et de Newman, le Père Teilhard s’interroge sur la place de l’homme et le sens du Christ dans l’Univers en Evolution.
Il est ordonné prêtre en 1911 et arrive à Paris en 1912. Il entre au Muséum d’Histoire Naturelle. Il y rencontre en 1924 Ida Treat. Américaine, journaliste et passionnée de paléontologie. Pleine de vie et d’exubérance. Venant d’un monde très différent du sien, elle ne partage pas sa foi, elle est athée et marxiste. Elle venait d’épouser (1923) Paul Vaillant-Couturier. Elle fut, comme tant d’autres, nous le verrons, certainement sensible au charme de Pierre. Mais, fort intelligente, elle sut transformer cet attrait en une belle amitié et ils correspondirent toute leur vie.[19] « Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi apte à « résonner » à la souffrance des autres » écrit d’elle Pierre Teilhard à Lucile Swan[20].
Le Père Teilhard fut fidèle en amitié. Sa correspondance atteste de nombreux échanges poursuivis avec des personnes de tous horizons durant son existence entière. Il est important de dire que tous ses amis, hommes et femmes, ont tissé des liens entre eux, se soutenant mutuellement, et formant en quelque sorte une seconde famille autour de lui.
Il retrouve à Paris Marguerite Teillard-Chambon (en littérature Claude Aragonnès 1880-1959), sa cousine issue de germains.
Ils se rencontrèrent enfants à Clermont-Ferrand, mais, à cette époque, Marguerite était surtout très proche de ses sœurs Françoise et Marguerite-Marie. L’adolescence les avait séparés. Elle est l’une des premières femmes agrégées de France (Lettres) à 23 ans en 1904. C’est une belle femme, sensible et cultivée. Outre leurs racines auvergnates et les vacances communes, ils découvrent qu’ils sont tous deux animés par une profonde spiritualité. Elle se consacre à l’enseignement des jeunes filles. Elle l’introduit dans le Paris intellectuel qu’elle fréquentait déjà. Les lettres écrites par Pierre Teilhard de Chardin à Marguerite Teillard-Chambon durant la guerre et publiées sous le titre « Genèse d’une pensée »[21]montrent combien Pierre a besoin de son regard « Ma pensée se cherche et une fois de plus, je cherche à l’éclaircir en causant avec toi…tu me diras ce que tu en penses. ».[22]
Déjà se dessine ce besoin pour Pierre Teilhard[23]de soumettre ses idées, de les débattre. Et s’il le fit avec des hommes, il est certain que la finesse et la sensibilité féminine lui sont nécessaires : «…/…rien ne s’est développé en moi que sous le regard et sous une influence de femme » écrit-il dans le « Cœur de la Matière ».[24] Est-ce à sa cousine qu’il fait allusion dans le même essai lorsqu’il écrit : « Parti, dès l’enfance, à la découverte du Cœur de la Matière, il était inévitable que je me trouve, un jour face à face avec le Féminin. Le curieux est seulement qu’en l’occurrence, la rencontre ait attendu, pour se produire, ma trentième année »[25]. C’est très probable, Pierre Teilhard lui doit beaucoup et elle a joué un rôle essentiel auprès de lui tout au long de son existence. Pierre Teilhard note dans son journal 14 février 1917 : « Qui me connaît sauf Marg ? ».
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1914, la guerre est là, il s’engage comme brancardier et malgré – et stimulé aussi ! – par une existence extrêmement difficile, il rédige des essais qu’il met en sécurité auprès des siens. Se développe chez lui ce qu’il a appelé « un sens de plus »[26], c’est-à-dire « de percevoir, sans les voir, la réalité et l’organicité des grandeurs collectives »[27]. Dans ces essais du temps de la guerre, les réflexions sur le féminin apparaissent régulièrement, nous pouvons suivre l’évolution de sa pensée.
Le 2 septembre 1915, il est alors en plein combat, il note dans son journal au vu des rencontres effectuées en pleine guerre[28] : « Jamais, je n’avais autant discerné combien la moralité chrétienne est un sommet conquis, que très peu, en somme, arrivent à tenir, et dont la possession par l’Humanité demande une lutte continuelle ». Réflexion de sa part bien ancrée dans le réel[29]. Puis il va plus loin dans son analyse et note : « Le féminin authentique et pur est par excellence une énergie lumineuse et chaste, porteuse de courage, d’idéal, de bonté = la bienheureuse Vierge Marie. LA FEMME est, en droit, la GRANDE SOURCE[30] rayonnant la pureté, voilà le fait, pas assez remarqué, contradictoire en apparence, qui est apparu avec la virginité chrétienne. La pureté est une vertu avant tout féminine, parce qu’elle brille éminemment dans la femme, et se communique de préférence par elle et a pour effet de féminiser, en quelque sorte (en un sens très beau et très mystérieux du mot). »[31]
Dans son essai « Le tableau » rédigé pendant les combats de Verdun[32], il sait qu’il a très peu de chances d’en revenir, Pierre Teilhard décrit le regard du Christ. Et parmi les variations multiples de celui-ci, il décrit « ces yeux, par exemple, si doux et attendris d’abord que je croyais ma mère devant moi, devenaient, l’instant d’après, passionnés et subjuguants comme ceux d’une femme – si impérieusement purs, en même temps que, sous leur domination, le sentiment eût été physiquement incapable de s’égarer ». Il est évident qu’il décrit ici des regards qui sortent de sa mémoire car ils l’ont impressionné.
En 1917, dans un essai spirituel intitulé le « Milieu Mystique »[33], il écrit : « La vraie union est celle qui simplifie, c’est-à-dire qui spiritualise ». Nous retrouvons ici le concept « d’union créatrice » qui est sa manière de décrire l’Évolution comme montée du Multiple vers l’Un.
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En 1917-18, il a 36 ans et est prêtre depuis 1911. Il prononce ses vœux de jésuite en 1918, et il rédige son fameux essai « L’Éternel féminin ». Il lui faut plusieurs mois de tâtonnement pour écrire ce véritable poème (en prose). Il note dans son journal : « Rédiger sous forme d’une paraphrase (très large) de la Sagesse »[34]puis, toujours dans son journal : « Pas chercher la femme mais le Féminin dans toutes les femmes »[35]. Nous retrouvons cette attitude dans le texte de l’Éternel féminin. De manière inédite pour un religieux, Pierre Teilhard part de sa propre expérience pour écrire cette fresque, mais il voit plus loin : « Celui qui entend l’appel de Jésus, n’a pas à rejeter l’amour hors de son cœur. Il doit, bien au contraire, rester essentiellement humain. Il a donc besoin de moi (c’est l’Éternel féminin qui parle) pour sensibiliser ses puissances, et éveiller son âme à la passion du divin. ».[36]
Ce texte est une ode à l’amour en même temps qu’un véritable condensé de ses questionnements et visions de l’amour humain, amour humain signe et vecteur de l’amour divin. Le père Martelet[37], jésuite et fin connaisseur de la pensée du P Teilhard aujourd’hui décédé, a écrit : « Il y a une cohérence réelle entre l’inclination spontanée et même l’élan de Teilhard vers le féminin ainsi que vers la Femme, et sa passion pour le Christ ». Et l’Éternel féminin de nous dire : « En moi, c’est Dieu qui vous attend »[38] Henri de Lubac signalera dans son étude de « L’Éternel féminin »[39] que le Père Teilhard note dans son cahier à la date du 29 avril 1916 : « La Virginité : intrusion certaine du Révélé dans le cosmos »[40].
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Lorsqu’au sortir de la guerre, le Père Teilhard prononce ses vœux de jésuites le 26 mai 1918, il dit avec clairvoyance : « Je vais faire vœu de pauvreté : jamais je n’ai mieux compris à quel point l’argent peut être un moyen puissant pour le service et la glorification de Dieu- Je vais faire vœu de chasteté : jamais je n’ai mieux compris à quel point l’homme et la femme peuvent se compléter pour s’élever à Dieu. Je vais faire vœu d’obéissance : jamais je n’ai mieux compris combien Dieu rend libre dans son service »[41].
Il reprend ses activités d’enseignement et de recherche et, bien entendu, il rencontre des femmes…
Car l’une des caractéristiques de Pierre Teilhard de Chardin est d’avoir arpenté le monde. Il y a croisé des femmes d’horizons différents, des femmes qui ne sont pas toujours conventionnelles. Il convient ici de bien resituer le statut des femmes dans le contexte du début du XXe siècle. Dans ces sociétés occidentales, une jeune fille était élevée en attente du mariage. Nul ne songeait à développer en elles autre chose que des qualités de maîtresse de maison et des talents artistiques.
Les femmes rencontrées alors par le P Teilhard sont en majorité en dehors de ce schéma traditionnel. Plus libres, payant parfois chèrement cette indépendance, elles sont aussi plus disponibles pour des échanges. Ce sont souvent des femmes dotées d’une riche personnalité. Nous avons vu l’engagement de Marguerite Teillard-Chambon qui, tout comme Madeleine Daniélou, étant munie d’un solide bagage intellectuel, a voulu développer l’enseignement des jeunes filles. Ce sont fréquemment des femmes hors normes pour l’époque.
Fut-il si naïf que l’on tend à le dire sur ses relations féminines ? En 1922, il écrit dans son carnet de retraite : « Être absolument transparent entre Dieu et elles, joie de dépasser » et le lendemain dans ce même carnet : « Amitiés spirituelles = spiritualisées. On ne peut pas éliminer ce qui partage le cœur : il faut l’assimiler, le traverser. » [42]. Ici nous retrouvons ce qu’Edith de la Héronnière a appelé dans sa biographie de Pierre Teilhard de Chardin : « La mystique de la traversée ». Attitude si caractéristique de sa vie, de sa pensée et de sa foi. Attitude où la difficulté n’est ni occultée ni minimisée, mais où se joue la liberté, et donc la dignité, de l’homme dans la volonté de traverser par le haut cette difficulté.
Le 29 janvier 1922, il écrit à Marguerite Teillard-Chambon : « Je pense qu’il faudrait qu’un homme fût exilé dans Mars, ou dans un autre Univers, pour se douter de l’incroyable tendresse qui le lie, inconsciemment, au corps de tous les humains. Comment se réveillera donc cette immense affection dont les affections familiales ne sont probablement qu’un pâle reflet ?… – Il est bon, en attendant, que nous en effleurions, comme cela t’arrive, le pressentiment ».[43]
Tout le long d’une vie mouvementée où il souffre intensément de ne pouvoir exprimer ses convictions profondes, Pierre Teilhard de Chardin aura besoin de ces affections qu’il sait si bien décrire.
En 1923, présentée par Marguerite Teillard-Chambon, il rencontre Léontine Zanta. Femme aussi élégante et distinguée qu’intelligente. Première femme docteur en philosophie, disciple de Bergson, elle joua un rôle de premier plan dans le féminisme français[44]. Il s’agit d’un féminisme chrétien pour, selon la propre expression de Léontine Zanta : « Atteindre une vie large et pleine ». Il lui écrit en 1930 : « Tâchez de bien faire voir, dans vos conférences, qu’il y a place pour une femme nouvelle, entre la servante et la « virago » ; la place de quelqu’un qui inspire, non seulement parce qu’elle est belle, mais parce qu’elle comprend »[45] Léontine tient un salon où elle reçoit l’élite intellectuelle de son temps. Elle sera le témoin privilégié de l’évolution de la pensée de Pierre Teilhard. Il sera son conseiller spirituel et, craignant que son intelligence ne supplante son sens mystique il lui écrit « Votre vraie force sera toujours dans la tension spirituelle que vous arriverez à maintenir en vous, par la pensée et le contact avec Dieu »[46]. Ils correspondront durant leur vie entière.
À cette époque-là, il rencontre aussi Simone Bégouën qui vient d’épouser[47] son cher ami Max Bégouën. Ce fut une affection douce et fraternelle : « Simone, dear …/…comment allez-vous, « petite sœur » lui écrit-il[48]. Simone proposa, au début des années 1930[49], de ronéotyper les œuvres du Père Teilhard. Elle se consacrera à leur diffusion, ce que Jeanne Mortier poursuivra par la suite.
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Pierre Teilhard de Chardin part en Chine en 1923. Il dit de la Chine : « Par son immensité, par l’énormité de ses dimensions, elle a contribué à élargir ma pensée, à l’élever jusqu’à l’échelle planétaire »[50] En 1927, il réside à TienTsin et achève « Le Milieu divin », ouvrage majeur qu’il dédie « Pour ceux qui aiment le monde »[51]. Cet « Essai de vie intérieure » comme il le nomme, est rédigé à l’attention « des mouvants du dedans et du dehors » [52]de l’Église pour leur « montrer que, toujours ancien et toujours nouveau, le Christ n’a pas cessé d’être le premier dans l’Humanité »[53].
En Chine, il effectue bien entendu de nombreuses rencontres.
En 1929 à Pékin, il fait la connaissance de Lucile Swan, une Américaine sculpteur et peintre. C’est à elle que le docteur Weidenreich confie le soin de sculpter la tête du Sinanthrope (Nelly) à partir des restes découverts à Chou-Kou-Tien. Lucile était divorcée, née dans une famille d’artistes de tradition épiscopalienne. Tout comme Ida Treat, Lucile est très éloignée du monde d’où venait le Père Teilhard. Pierre Leroy écrit de Lucile « Un visage saisissant, un port tranquille, une tenue à la fois simple et pleine de dignité »[54]. Leur rencontre fut un choc, et source de joies et de peines. Leur correspondance, que notre famille a souhaité publier en lien avec la nièce de Lucile, Mary Wood Gilbert [55](aujourd’hui décédée) peut dérouter, mais elle est émouvante et nous permet de suivre en quelque sorte « de l’intérieur », l’ouverture et la vision de Pierre Teilhard sur le féminin. Lucile souffrit et eut du mal à comprendre (peut-être le comprit-elle à la fin de sa vie ?) ce qui le retenait dans sa fidélité à ses vœux. Comme tous les événements importants de son existence, cette rencontre suscite chez lui une vraie réflexion. Il approfondit le sens de son vœu de chasteté.
Peu après, il écrit en 1931 dans son essai « L’Esprit de la terre » : « L’Amour est la plus universelle, la plus formidable, et la plus mystérieuse des énergies cosmiques »[56].
Trois ans après, en 1934, il rédige un essai intitulé : « l’Évolution de la chasteté »[57], texte qu’il nomme lui-même « esquisse » et juge comme risquant d’être mal compris. C’est ainsi qu’il écrit à Léontine Zanta le 24 juin 1934 : « Cet hiver, j’ai pu recommencer à écrire un peu …/…une esquisse, moins au point, sur l’Évolution de la Chasteté…/…le travail est encore dans mes tiroirs-parce qu’il risque d’être mal compris. Cependant c’est un effort absolument loyal et désintéressé pour essayer d’aller au fond d’une question qui me paraît terriblement vitale et terriblement obscure. J’ai rassemblé là tout ce que j’ai pu trouver au fond de mes évidences en face de questions et de défis qui n’avaient rien d’abstrait pour constituer « la défense » et surtout pour définir la valeur ou l’essence « de la chasteté ». Il faudra que nous en discutions ensemble. Au fond, c’est simplement, mais dans toute son acuité ! le problème de la Matière. » [58]. Il écrit alors au Père Valensin : « Ce que j’ai écrit là, c’est le meilleur de ce que j’ai trouvé à répondre (à moi et à l’autre) lorsque, à trois ou quatre reprises j’ai été mis, de longues périodes durant, « au pied du mur ». Vous trouverez peut-être que c’est faible comme triomphe. Mais c’est que, réellement, je n’arrive à rien voir de plus ».[59] Il note ensuite dans cet essai à quel point une femme peut enrichir l’homme puis va plus loin : « La virginité se pose sur la chasteté comme la pensée sur la vie : à travers un retournement, ou un point singulier.[60]. Folie du religieux donné passionnément au « Christ toujours plus grand » qui nous rappelle que l’Église est d’abord un mystère d’amour.
Dans les lettres adressées à Lucile Swan, on retrouve cette proposition d’une rencontre à un niveau supérieur, attitude bien difficile à vivre pour elle, mais bien révélatrice chez Pierre Teilhard d’un mystique vivant avec intensité l’union au Christ Universel. Le 15 mai 1936, il lui écrit : « Vous, vous cherchez un équilibre « à deux », et pour moi, il n’est question que d’un équilibre « à trois » ».[61]Notion que l’on retrouve dans son texte « Esquisse d’un univers personnel » rédigé à ce moment-là (il est daté du 4 mai 1936) : « L’amour est une fonction à trois termes : l’homme, la femme et Dieu. Toute sa perfection et sa réussite sont liées à l’harmonieux balancement de ces trois éléments »[62]
Lucile écrit dans son journal le 23 juillet 1934 : « J’aimerais aimer Dieu comme le fait P. T.- Cela viendra peut-être à temps ».
Aucun témoignage ne permet de douter que Pierre Teilhard ne soit pas resté fidèle à ses vœux. C’est particulièrement clair dans cette correspondance que Lucile Swan elle-même a confiée à sa nièce Mary Wood Gilbert en lui demandant de faire connaître son point de vue. Mary Wood Gilbert dans la préface de cette correspondance nous affirme : « J’ai demandé un jour à Lucile s’il n’y avait jamais eu entre eux accomplissement physique. Elle répliqua : « Jamais » (Never) »[63].
En Chine, il fait aussi la connaissance de Claude Rivière. Journaliste française pour la radio de Shanghaï. Si la rencontre fut aussi une émotion pour elle, elle comprit immédiatement la vocation de son ami jésuite et ce qui en découlait. Son analyse, très humaine, mérite d’être citée : « Avec les femmes, il mettait de triples lunettes roses. Allergique à la duplicité, au mensonge, ce grand homme à l’intelligence si vaste manquait bien souvent d’esprit critique quand il s’agissait de juger les hommes, à plus forte raison les femmes. N’oublions pas qu’il n’avait connu dans son milieu que des femmes exceptionnelles, sa mère, ses sœurs, ses cousines, Simone Bégouën, etc. Et qu’il avait un véritable culte pour la féminité et le rôle qu’elle joue dans l’évolution »[64].
Sa pensée continue à évoluer et à chercher, la notion de l’émergence de la Personne et de Personnel le travaille depuis longtemps, mais il l’approfondit. Nous avons évoqué son « Esquisse[65] d’un univers personnel » rédigé en 1936. Monseigneur Bruno de Solages précise à Maurice Blondel en 1948 « …/…c’est en Chine, vers 1934, qu’il (le P. Teilhard) a fait ce qu’il appelle « la découverte du personnel. [66] Dans cette « Esquisse », Pierre Teilhard écrit « la première de ces règles est que l’amour serve à la différenciation spirituelle des deux êtres qu’il rapproche »[67] Il note un peu plus tard (en 1947) : [C’est] « en s’associant convenablement avec tous les autres que l’individu peut espérer atteindre la plénitude de sa personne ». [68] Il n’hésite d’ailleurs pas à craindre « une altération plus subtile de l’amour : je veux dire l’égoïsme à deux. »[69]. Nul doute que ces contacts féminins participent à la construction de cette vision.[70]
Entre 1938 et 1940, le Père Teilhard rédige un ouvrage qu’il médite depuis longtemps, ouvrage qu’il nomme en ses débuts « L’Homme » et qui deviendra « Le Phénomène humain ». Il décrit l’événement cosmique de l’émergence de l’Homme (avec un grand H). Car pour lui, l’évolution du monde est une réalité, elle est la modalité de la création. L’évolution conduit du plus simple au plus complexe, du plus inerte au plus conscient. L’Homme étant l’être le plus conscient, C’est donc à partir de celui-ci qu’il faut comprendre l’histoire du Monde. Le P. Teilhard de Chardin écrit en 1940 dans Le Phénomène humain : « L’Homme, non pas centre statique du Monde, comme il s’est cru longtemps ; mais axe et flèche de l’Évolution, ce qui est bien plus beau. »[71].
Il précise dans cet ouvrage que l’« amour universel …/.. est la seule façon complète d’aimer. »[72]. Puis, ceci étant établi, il faut que nous nous décidions à admettre « que l’Univers…/… prenne en avant, pour nous, un visage et un cœur, qu’il se personnifie…/… »[73]. Dès lors, ajoute-t-il : « Pour que l’échec se transforme en succès,…/…il faut et il suffit que, prolongeant notre science jusqu’à ses dernières limites, nous reconnaissions et acceptions, comme nécessaires pour fermer et équilibrer l’Espace-Temps…/… la réalité et le rayonnement déjà actuels de ce mystérieux Centre de nos centres que j’ai nommé Oméga. ».[74]
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De retour à Paris, en 1946, Pierre Teilhard retrouve Jeanne Mortier rencontrée en 1939[75]. En 1951, il la désigne comme légataire de ses œuvres. C’est donc à une femme qu’il confie la préservation et la diffusion de son œuvre. Il savait qu’il pouvait s’appuyer sur son dévouement, son efficacité et sa fidélité à sa pensée[76]. Jeanne Mortier était persuadée de la valeur du message du Père Teilhard, qu’il était une « parole attendue »[77] par quantité de croyants et de non croyants. Elle y consacra toute son intelligence et son énergie jusqu’à son décès en 1982.
Enfin, à New York en 1951, il retrouve Rhoda De Terra déjà rencontrée en Chine. Elle était l’épouse d’Helmut De Terra, géologue et anthropologue, ami du Père Teilhard dont elle avait divorcé. Amie fidèle et sécurisante, elle veille sur lui durant son voyage en Afrique du Sud en 1951. C’est chez elle qu’il est pris d’une hémorragie cérébrale[78] en prenant le thé. Il décèdera quelques heures plus tard le 10 avril 1955. Un dimanche de Pâques ainsi qu’il l’avait souhaité[79].
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Il faudrait mentionner tant d’autres femmes qui furent le plus souvent écoutées, soutenues et guidées. Adrienne Croissant, Madame Haardt (veuve de Georges-Marie Haardt, chef de la Croisière Jaune), Marthe Vaufrey, Dominique de Wespin… Mission du pasteur dont nous retrouvons la trace dans ses lettres, lettres si personnelles et si profondes qu’elles ont été en général conservées par leurs correspondantes.
- Pierre Teilhard de Chardin et les relations féminines
Pierre Teilhard de Chardin est un homme d’une grande sensibilité. Sensibilité de nature, et sensibilité probablement exacerbée par les deuils successifs, parfois vécus très jeune, et par l’épreuve du silence et de l’exil qui lui furent imposés en raison de la teneur de ses écrits spirituels. Les quelques amies dont nous avons évoqué la mémoire, femmes exceptionnelles pour leur génération – les unes sont agrégées de lettres et écrivains, les autres scientifiques, artistes ou encore théologiennes – contribueront, en quelque sorte, à l’élaboration de ses essais soumis bien souvent à leur critique bienveillante. Le Père d’Ouince, jésuite supérieur de la Maison des Études[80] témoigne « Teilhard pensait …/…que l’intuition et la sensibilité féminine apportaient au jugement, trop exclusivement rationnel, de l’homme un complément précieux et, pour lui du moins, indispensable. Il attendait donc de ses correspondantes une lumière et un secours pour choisir plus exactement sa route. Il avait en même temps, trop vive conscience du bienfait de la foi pour ne pas désirer, dans toute la mesure du possible, en offrir le partage »[81].
C’est pourquoi, nous trouvons dans « Le Cœur de la Matière » écrit en 1950 (soit 5 ans avant son décès) : « l’hommage général, quasi-adorant, montant du tréfonds de mon être, vers celles dont la chaleur et le charme ont passé, goutte à goutte, dans le sang de mes idées les plus chères… » [82]. Certaines, seront sans doute, comme nous l’avons mentionné, à la source de ses textes sur « le Féminin ». D’autres encore participeront, par leur aide matérielle, à la diffusion de ses écrits.
C’est un homme sur lequel on a beaucoup écrit, et particulièrement sur ce sujet. Certains auteurs ne seraient-ils pas tentés, comme sur d’autres points de sa pensée et de sa vie, d’y projeter leur propre existence, leurs propres questions et leur propre vision ?
Pierre Teilhard a résidé une grande partie de sa vie à l’étranger, une vie qui fut toujours riche de découvertes et de rencontres humaines. Grâce à une correspondance très abondante (dont la publication n’est pas achevée), nous découvrons que c’est auprès de ses nombreux amis qu’il a trouvé la liberté d’exprimer ses sentiments et ses convictions les plus intimes : « Je constate que le vif de ma pensée se fait de plus en plus volontiers jour en dehors des Essais composés, au hasard et sous l’excitation de lettres à écrire à tel ou tel de mes correspondants »[83] écrit-il à l’une de ses amies. Aussi, sa correspondance témoigne-t-elle, non seulement de la place majeure de l’amitié dans sa vie, mais encore de l’évolution de sa pensée. Il est permis de croire que la confiance des femmes, leur affection et la transparence des liens qui les unissaient à lui ont été un soutien providentiel dans la vie de Pierre Teilhard. Nous savons également par leur témoignage, qu’à leur tour, ces amies ont été sensibles à la simplicité de cœur et à la personnalité rayonnante de leur ami.
Dans toutes ses lettres à ses proches, hommes (il lui arrive de terminer son courrier à Pierre Leroy par : « Très affectueusement »), ou femmes, nous retrouvons ces expressions pleines de tendresse. J’en citerai quelques-unes :
À Ida Treat: « Très chère amie…/… Vous savez combien je reste profondément vôtre (22 février 1927). Puissé-je être pour vous la moitié de ce que vous êtes pour moi (30 juin 34), ….plus affectueusement que jamais (6 mai 37) ».
À Claude Rivière : « Chère petite Claude…/…Bien profondément vôtre, et tendrement ». (20 octobre 1943).
À Lucile Swan: « Dearest../…Yours, so much ».
À Marguerite Teillard-Chambon : « Chère grande amie…/ … Tu sais que je t’aime, à toi. Pierre. (septembre 1929),… et crois à ce que mon cœur garde pour toi (6 mars 1934), …en grande affection, toujours (6 mars 1954) ».
Nous trouvons aussi comme expressions communes dans sa correspondance : « Je regarde vers l’ouest » (c’est-à-dire vers sa correspondante), « Vos lettres me sont une grande joie », « notre précieuse rencontre » ou « je vous imagine à… (tel endroit) ».
Il convient aussi de replacer ces termes dans le contexte de l’époque. Les correspondances étaient un moyen usuel et l’on s’y exprimait avec une grande liberté. Ainsi le Père Charles de Foucauld écrit à sa cousine Marie de Bondy « Où étais-je hier à cette heure-ci ? J’étais encore près de vous, vous disant adieu, c’était dur, mais cela était doux encore, puisque je vous voyais…. ».[84]
Le lecteur non averti pourrait parfois se laisser aller à une interprétation erronée des témoignages d’affection que nous venons de citer. Moi-même, n’ai-je pas été tentée en lisant “Genèse d’une pensée” de me mettre à la place de Marguerite Teillard-Chambon et de me demander quelle aurait été ma réaction face à de telles marques de confiance, et même de tendresse, de la part de l’un de mes cousins !
Pierre Teilhard de Chardin connaissait la sensibilité de ses lecteurs et lectrices, il savait s’adapter à eux et c’est toujours avec beaucoup d’humanité et de discernement qu’il rédigera sa correspondance. Il faut garder à l’esprit la formation spirituelle de Pierre Teilhard aux exercices spirituels de saint Ignace, notamment à la manière de faire une bonne et sainte élection. « Que chacun, en effet, se persuade qu’il progressera dans ses efforts spirituels à proportion de ce qu’il sera dépouillé de l’amour de lui-même et de l’attachement à son avantage personnel »[85] Sa propre sensibilité lui permet de rejoindre la personne là où elle en est dans son évolution spirituelle. Il sait sur quel mode d’expression, bien de son époque, il peut se situer avec elle. Nombreux sont les témoignages qui attestent de l’attention qu’il portait à toute personne. Sa bienveillance est restée proverbiale. Son ami le Père Pierre Leroy raconte : « Il avait une qualité rare chez les hommes de sa valeur : il savait écouter les autres et paraître s’intéresser à leurs propos ; quand ceux-ci étaient trop fantaisistes, il se contentait de sourire ».[86]
Il a toujours beaucoup aimé[87] famille, amis, relations de travail. Sa cousine Marguerite Teillard-Chambon écrit : « Il y avait en lui une extraordinaire faculté d’accueil »[88]. Parce qu’il aime les hommes, il cherche la meilleure voie pour eux. Pierre Teilhard de Chardin a toujours vécu avec une certitude : « On ne convertit que ce qu’on aime ». [89] Ainsi pour lui, il faut « S’immerger pour émerger et soulever ».[90]
Il sait également combien son propre chemin est incompréhensible parfois pour son entourage, il écrit dans « Le Cœur de la Matière », en parlant bien entendu de lui-même : « Même pour ceux qu’il aimait le plus, son affection serait une charge, car ils le sentiraient chercher invinciblement quelque chose derrière eux ».[91]
C’est avec toute son humanité habitée par sa vision du Christ, avec sa prière fervente et toute son affectivité qu’il s’engagera sur la voie de l’amitié.
Parce que le rapport hommes-femmes est le rapport le plus naturel chez l’être humain, chez les femmes, Pierre Teilhard de Chardin a vu d’autres dimensions. Elles l’inspirent et l’aident à élargir sa vision. Le Féminin doit aider l’homme à s’arracher à lui-même pour mieux aller à Dieu. Le 4 octobre 1944, il note dans son journal : « Le problème qui se cherche sous la Chasteté : la spiritualisation maxima dans ses rapports avec le Féminin. Nous entrevoyons maintenant que c’est une affaire, non plus de séparation, mais de synthèse. Essentiellement le Féminin n’est pas un lest (poids), mais une force ascensionnelle ».
Pour lui, cet arrachement à lui-même se doit donc d’être une croissance. Croissance qui participe à la construction du Monde. Ainsi, il écrit à peu près à la même époque à Claude Rivière : « Le contact profond de deux êtres, centre à centre, vous disais-je (indépendamment de tout ce qu’ils peuvent se communiquer explicitement de pensées exprimées), n’est-ce pas l’opération la plus créatrice dans l’Univers qui nous entoure ?»[92] Pour Pierre Teilhard de Chardin, cette énergie ne doit pas être gaspillée, elle est intimement liée à la création.
Pierre Teilhard n’a pas esquivé la difficulté d’une attitude par trop déshumanisante de nombre de ses pairs face aux femmes. Arrivé à la fin de sa vie (1950), il écrit : « Pas plus que de lumière, d’oxygène et de vitamines, l’homme, aucun homme, ne peut (d’une évidence chaque jour plus criante) se passer de Féminin ».
Propos qui n’étaient certainement pas très conventionnels pour l’époque, et cependant, il nous invite à une vision anthropologique novatrice de l’apport du féminin. Ceci pourtant ne peut que résonner pour nous avec ce que soulignait le Pape François le 22 avril 2015 : « Sans la femme, il manque à l’homme une communion, une plénitude : pas d’infériorité ou de subordination dans leur relation, car l’homme et la femme sont de la même substance et sont complémentaires » [93].
Quelles que soient ses rencontres, son engagement dans la Compagnie de Jésus et la voie sacerdotale demeureront pour lui une évidence intérieure. Disciple de saint Ignace, pratiquant ses Exercices spirituels qui visent à « se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider par aucun attachement qui soit désordonné »[94].
Le soutien attentif qu’il apportait à chacun, son accompagnement amical et spirituel, sa passion pour le Christ ont été souvent édifiants pour ses amis croyants et non –croyants. Pierre Teilhard de Chardin restera toujours pour eux un témoin lumineux de l’amour du Christ qui l’animait. Nous savons que certains découvriront ou redécouvriront la Foi à son contact.
Chercheur de Dieu et mystique, le témoignage de Pierre Teilhard apporte un enseignement pour l’Église. Il sait que l’amour humain est inscrit dans un autre Amour bien plus grand et qui en est la source. Amour divin qui dilate la capacité d’aimer et de se donner aux autres. Il écrit en 1948 à la fin de son ouvrage Le Phénomène humain : « L’amour chrétien…/…N’est-ce pas un fait positif que, depuis vingt siècles, des milliers de mystiques ont puisé à sa flamme des ardeurs tellement passionnées qu’elles laissaient loin derrière elles, en éclat et en pureté, les élans et les dévotions de n’importe quel amour humain ?[95]
Le Père Teilhard de Chardin nous confie dans son journal en 1950 : « la Terre, sans un Oméga d’amour serait inhabitable … »[96].
*
« La Terre sans un Oméga d’amour serait inhabitable »… C’est bien là tout l’enjeu de la vie et de la vie spirituelle de la société qui est posé. Comme nombre de religieux (et pas uniquement chrétiens), par le respect de ses vœux, Pierre renvoie au monde une image de Celui à qui il s’est donné.
Malgré les incompréhensions et les souffrances, il est attaché à l’Église et lui restera toujours fidèle. C’est une fidélité intérieure car sa vie est fondée sur son expérience spirituelle et sa dimension mystique, le Christ ne lui appartient pas et est bien Celui de l’Église. Il nous le signifie lui-même en juillet 1918, peu de temps avant de prononcer ses vœux de jésuite, dans un magnifique écrit intitulé « Le Prêtre » (il a été ordonné en 1911) : « …mes vœux, mon sacerdoce, je les ai revêtus (c’est là ma force et mon bonheur) dans un esprit d’acceptation et de divinisation des Puissances de la Terre » [97]
Toujours en recherche, il confie dans une lettre en 1929 à son ami le Père Gaudefroy : « Il m’a semblé que, dans l’Église actuelle, il y a trois pierres périssables dangereusement engagées dans les fondations : la première est un gouvernement qui exclut la démocratie ; la deuxième est un sacerdoce qui exclut et minimise la femme ; la troisième est une révélation qui exclut, pour l’avenir, la Prophétie »[98].
Il se révèle, dans ce domaine du féminin comme dans tant d’autres, beaucoup plus ancré dans la tradition que l’on ne pourrait le penser. Cependant, dans le contexte actuel, cet engagement interpelle. Des questions émergent : tout être est-il capable de vivre la chasteté à un tel niveau ? Cette dernière est-elle une vertu audible aujourd’hui ? Quelle place pour la femme dans l’Église et dans la société ? Quels types de relations hommes/femmes participent à un meilleur développement de la dignité humaine, à un meilleur « Oméga d’amour » justement ?
Ainsi, pour le prêtre catholique romain qu’est Pierre Teilhard de Chardin, la source de ses engagements se trouve dans la venue du Christ. « En vertu de le Création, et, plus encore de l’Incarnation, rien n’est profane [99]ici-bas, à qui sait voir. »[100] écrit-il dans son ouvrage « Le Milieu divin ».
C’est ce qu’exprime un autre jésuite, le Père Martelet, avec qui nous concluons : « L’humanité d’un prêtre, d’un religieux et d’une religieuse n’est jamais dispensé d’une affectivité capable d’être saisie humainement au plus profond de soi-même par l’autre. L’exemple en ce cas n’est pas d’abord P. Teilhard, mais le Christ en personne dans l’historicité de son rapport aux femmes de son temps. Qu’il s’agisse des gestes de la Galiléenne chez Simon le Lépreux, de la Syro-Phénicienne aux limites de la judéité, de la Samaritaine au puits de Jacob ou de Marie de Magdala dans le jardin de la Résurrection, Jésus s’est laissé imprégner par des femmes d’une tendresse humaine inséparable pour lui de sa messianité ».[101]
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[1] Cette conférence reprend (et développe), une conférence prononcée le 19 mars 2017 au colloque : « Pierre Teilhard de Chardin face à ses contradicteurs », colloque ayant eu lieu les 18 et 19 mars 2017 au Collège des Bernardins à Paris. Colloque organisé par l’Académie Catholique de France en partenariat avec la chaire Teilhard de Chardin du Centre Sèvres, la Fondation Teilhard de Chardin, les Amis de Pierre Teilhard de Chardin et les Amis de Maurice Blondel, sous le haut patronage du Cardinal Poupard.
[2] Petite-fille de son frère Joseph, ayant grandi proche de lui et dans les maisons Teilhard. Joseph est décédé en 1978. Secrétaire générale de l’association des neveux du P Teilhard de Chardin, vice-présidente de l’association des Amis de Pierre Teilhard de Chardin, observatrice à la Fondation Teilhard. Elle participe activement à la re-publication des œuvres du Père. Les témoignages familiaux sont nombreux. bayondelatour@hotmail.com.
[3] Et particulièrement en ces temps si difficiles pour l’Église.
[4] Les lettres ont été publiées : « Lettres intimes de Pierre Teilhard de Chardin à Auguste Valensin, Bruno de Solages, Henri de Lubac, André Ravier » Aubier Montaigne. 1974 et pour le P Leroy : « Lettres familières de Pierre Teilhard de Chardin mon ami, 1948-1955 ». Le Centurion. 1976.
[5] Décade de Cerisy du 25 juillet au 3 août 1958. Archives Fondation Teilhard de Chardin.
[6] Le Père Teilhard écrit souvent le mot féminin avec une majuscule, cela signifie bien la position qu’il lui donne, nous y reviendrons.
[7] « Écrits du temps de la guerre ». Tome XII, p 279-291, Seuil. 1965. [Les œuvres de Pierre Teilhard de Chardin (PTC) sont publiées aux éditions du Seuil en treize volumes notés de I à XIII]
[8] « Les Directions de l’avenir ». Tome XI, p 65-92, Seuil. 1973.
[9] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p 71-74, Seuil. 1976. Le titre lui-même est révélateur de sa vision.
[10] « Le Cœur de la Matière », Tome XIII, p21-92, Seuil. 1976.
[11] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p25, Seuil. 1976.
[12] Dominique de Wespin : « Sarcenat, berceau des Teilhard de Chardin » p 6.
[13] Nous retrouverons cette notion avec le terme de « diaphanie » utilisé par le P. Teilhard, il l’explique dans « Le Cœur de la Matière » Pour lui, « le Monde, au cours de toute ma vie, par toute ma vie, s’est peu à peu allumé, enflammé à mes yeux, jusqu’à devenir, autour de moi, entièrement lumineux par le dedans » T XIII « Le Cœur de la Matière » p 21, Seuil 1976.
[14] Les passages sont soulignés dans les citations par le Père Teilhard de Chardin lui-même.
[15] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p 51, Seuil. 1976.
[16] Marielle en 1881 à 4 ans et Louise à 13 ans en 1904. Albéric son frère aîné en 1902. Deux frères Teilhard sont tués à la guerre 14-18 et trois blessés. Seul Pierre en sort indemne.
[17] Mémoires de Marguerite-Teillard-Chambon. Archives familiales.
[18] « L’Énergie Spirituelle de la Souffrance, Ecrits et souvenirs présentés par Monique Givelet » Préface du Père Pierre Teilhard de Chardin. Editions du Seuil. 1951.
[19] Des extraits des lettres écrites par Pierre Teilhard (1926-1952) à Ida Treat ont été publiés sous le titre « Accomplir l’homme » (l’autre correspondante du livre étant Rhoda De Terra) chez Grasset. 1968.
[20] « Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan. Correspondance», p 210, Paris Noël 1938, Lessius. 2009.
[21] « Genèse d’une pensée » Grasset 1961.
[22] Outre « Genèse d’une pensée », des extraits des lettres de 1923 à 1955 ont été publiés sous le titre de « Lettres de voyage »,Grasset 1956.La version intégrale reste à publier.
[23] Pierre Teilhard, ainsi qu’il le disait lui-même, procède par tâtonnements.
[24] « Ecrits du temps de la guerre ». Tome XII p 70 Seuil. 1965.
[25] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p 71, Seuil. 1976.
[26] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p 41, Seuil. 1976.
[27] « Le Cœur de la Matière ». Tome XIII, p 41, Seuil. 1976.
[28] PTC « Journal » p 103, 2 septembre 1915. Fayard. 1975.
[29] Le 22 août 1915, il écrit à Marguerite : « Petit à petit, Notre Seigneur te conquiert et te prend pour Lui. Sans doute, la paix du cœur, sa dilatation au milieu de chaudes et reconnaissantes affections, est plus harmonieuse, plus normale, plus propre à l’action facile, que l’isolement et les brisures. (Ainsi en est-il de la santé relativement à la maladie…). Voilà pourquoi nous devons tendre, par nos efforts personnels, à nous assurer des appuis dans de bonnes et solides amitiés, à nous garder des infirmités du corps et de l’âme…mais si Dieu intervient pour nous sevrer le cœur, pour détourner par force, sur Lui seul, l’appétit de bonheur et d’amour réciproque qu’Il a excité en nous pendant d’heureuses années de jeunesse, alors il ne faut pas s’en plaindre. N’en veux pas à Notre Seigneur s’Il désire faire de toi plus que ce que tu appelles « une simple chrétienne ». Parce que ton action doit porter loin, elle doit émaner d’un cœur qui a souffert : c’est la loi douce, en somme… ». « Genèse d’une pensée » p 82 Grasset 1961.
[30] Ces deux termes sont notés en majuscules dans le texte.
[31] PTC « Journal » 2 septembre 1915, p 104, Fayard. 1975.
[32] «Le Christ dans la Matière » in Ecrits du temps de la guerre ». Tome XII, p 116, Seuil. 1965
[33] «Écrits du temps de la guerre ». Tome XII, p153-192, Seuil. 1965.
[34] PTC « Journal » 15 mars 1917, p 296, Fayard 1975.
[35] PTC « Journal » 20 septembre 1919. Inédit.
[36] «Écrits du temps de la guerre » ; Tome XII, p 287, Seuil. 1965.
[37] Père Gustave Martelet sj : « PTC, Prophète d’un Christ toujours plus grand », p 104, Lessius 2005.
[38] «Écrits du temps de la guerre » ; Tome XII, p 289, Seuil. 1965.
[39] Henri de Lubac « L’Éternel Féminin » Aubier. 1983.
[40] Henri de Lubac « L’Éternel Féminin », p 23, Aubier. 1983.
[41] « Biographie Pierre Teilhard de Chardin » Claude Cuénot, p 43, Plon. 1958.
[42] PTC « Notes de retraites » 25 et 26 juillet 1922, p 102 et 103, Seuil. 2003.
[43] Lettre à Marguerite Teillard-Chambon Paris 29 janvier 1922. Archives familiales.
[44] Henri Maleprade « Léontine Zanta » p 40, Éditions Rive Droite 1997.
[45] Lettre Pierre Teilhard de Chardin à Léontine Zanta in « Léontine Zanta » Henri Maleprade p 176. Editions Rive Droite 1997.
[46] « Lettres Pierre Teilhard de Chardin à Léontine Zanta » Lettre 24 janvier 1924 p 68-69 DDB 1965.
[47] 15 décembre 1922.
[48] Pierre Teilhard de Chardin « Le Rayonnement d’une amitié ». Lettres à la famille Bégouën, p 146, 14 avril 1939, Lessius 2011.
[49] La trace en est prouvée à partir de 1933.
[50] « En Chine avec Teilhard » (dans les années 40) Claude Rivière, p 113, Seuil.1968.
[51] « Le Milieu divin ». Tome IV, pages de garde, Seuil 1957.
[52] « Le Milieu divin » Tome IV, p17, Seuil 1957.
[53] « Le Milieu divin ». Tome IV, p18, Seuil 1957.
[54] Souvenir du Père Leroy « Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan Correspondance » p 9, Lessius. 2009.
[55] « Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan Correspondance », Lessius 2009.
[56] « L’Énergie humaine », Tome VI, p 40, Seuil. 1962.
[57] « Les Directions de l’avenir ». Tome XI, p 65-92, Seuil. 1973.
[58] PTC « Lettres à Léontine Zanta » p 124-125, Desclée de Brouwer 1965.
[59]« Lettres intimes de Teilhard de Chardin » Lettre au P Valensin 14 août 1934. Et cf. note 27 p 281, Aubier. 1974.
[60] « Les Directions de l’avenir ». Tome XI, p 90, Seuil. 1973.
[61] « Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan Correspondance » 14 novembre 1933 : « Mais, comme votre ami appartient à un Autre, Lucile, il ne peut être vôtre autrement qu’en étant simplement et momentanément heureux avec vous.../…) p39, Lessius 2009.
[62] « Esquisse d’un univers personnel ». Tome VI, p 95, Seuil 1962.
[63]« Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan. Correspondance.» p 16, Lessius 2009 et « The letters of Pierre Teilhard de Chardin and Lucile Swan » p 17, Georgetown University Press, 1993.
[64] Claude Rivière « A Pékin avec Teilhard » p 213, Seuil. 1968.
[65] Le mot « esquisse » indique bien la position de recherche de la pensée du Père Teilhard de Chardin.
[66] Lettre de Monseigneur Bruno de Solages à Maurice Blondel 3 janvier 1948. Voici la suite de la citation : « II a eu cette illumination que, même vue du dehors, l’évolution était en marche vers la création de centres personnels ; et depuis lors, par une sorte de choc en retour, les lois du monde des esprits, lois du personnel, lui apparaissent comme devant, d’une certaine manière, dominer par avance toute l‘évolution ; de même qu’elles lui paraissent impliquer le caractère non pas impersonnel, mais hyper personnel de l’au-delà. C’est une sorte de dialectique de la personne à partir du phénomène et dont il n’a pas encore, à mon avis, tiré toutes les conséquences. » Inédit. Archives privées.
[67] « Esquisse d’un univers personnel » Tome VI, p 93, Seuil. 1962.
[68] « L’Avenir de l’Homme » Tome V, p 248, Seuil. 1959.
[69] « Esquisse d’un univers personnel » Tome VI, p 93, Seuil 1962
[70] Son texte « Esquisse d’un univers personnel » se poursuit par l’étude du « Sens Cosmique » qui pour lui « est un amour et ne peut être que cela » (p 104). Il aborde ensuite « La peine de Personnalisation » avant de conclure sur « La religion du Personnel ». Car pour lui, « Le Christianisme est par excellence la Religion de la personne » (p112). Et il achève son essai en écrivant : « le Phénomène chrétien pourrait bien être ce qu’il prétend représenter …/ ;..une Révélation. » (p 114).
[71] « Le Phénomène humain » Tome I, rédigé en 1938-1940, p30, Seuil 1955.
[72] « Le Phénomène humain » Tome I, p 296, Seuil 1955.
[73] « Le Phénomène humain » Tome I, p 297, Seuil 1955.
[74] « Le Phénomène humain » Tome I, p 297,-298 Seuil 1955.
[75] Jeanne Mortier avait été enthousiasmée par la lecture du « Milieu divin » en 1938.
[76] Sur ce sujet du féminin, elle écrit dans un commentaire de « L’Éternel féminin » : « Que sont les unions terrestres en regard de celle en laquelle l’Éternel trouve son infinie béatitude ! Le Fils de Dieu qui, dans l’Eucharistie, nous donne sa divinité, est au sens absolu, le pain en qui se trouvent toutes les délectations ». Décédée en 1982, elle a publié les « Lettres à Jeanne Mortier » aux Éditions Seuil. 1982.
[77] Titre d’un essai du Père Teilhard.
[78] Selon le courrier du Père Leroy du 13 avril 1955. Archives familiales.
[79] Des extraits des lettres écrites par Pierre Teilhard (1926-1952) à Rhoda De Terra ont été publiés sous le titre « Accomplir l’homme » (l’autre correspondante du livre étant Ida Treat) chez Grasset en 1968. Dans la préface de cet ouvrage, le Père d’Ouince (supérieur de la maison jésuite de la rue Monsieur jusqu’en 1952) écrit : « Les deux correspondantes du Père, également ouvertes aux choses de l’esprit, également sensibles à l’originalité du penseur et à la valeur de l’homme religieux, ne partagent pas sa foi chrétienne…/.. ; Teilhard souffrait trop des étroitesses et des préjugés de certains cercles catholiques pour ne pas éprouver une sorte de soulagement à pouvoir rencontrer des interlocuteurs étrangers au conformisme des chrétiens bien-pensants… » (p18)
[80] 15 rue Monsieur 75007 Paris.
[81] « Accomplir l’homme » p 19, Grasset 1968.
[82] T XIII « Le Cœur de la Matière » p 72, Seuil. 1976.
[83]« Lettres à Maryse Choisy »; cité par Ina Bergeron; bulletin Teilhard de Chardin n°22 ; Déc 1996.
[84] Antoine Chatelard « Vers le chemin de Tamanrasset » Charles de Foucauld à Marie de Bondy, p 54, Karthala 2002.
[85] « Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola » 189 p. 104 ; Seuil 1982.
[86] Père Leroy « Pierre Teilhard de Chardin tel que je l’ai connu » p 33, Plon 1958. Il faut ici ajouter deux témoignages. Celui encore du Père Leroy, ce grand ami du Père Teilhard qui a vécu de longues années avec lui en Chine, avant de le revoir aux États-Unis. Il précisait toujours qu’il n’a jamais vu le Père Teilhard avoir un geste vers une femme (ou un homme), ni même toucher celle-ci, quelle qu’elle soit.
Et celui, rapporté par le paléontologue Marc Godinot qui a rencontré un confrère Peter Robinson, (Université du Colorado) : « Peter Robinson a été le “field assistant” de Simpson et il a été chauffeur de Teilhard quand il est venu rendre visite à Simpson dans l’Arizona. C’est vrai que dans sa correspondance Pierre Teilhard ne dit pas que lors de cette visite il était accompagné de Rhoda de Terra, mais ce collègue, qui était jeune étudiant à l’époque, m’écrit que Teilhard et Rhoda de Terra dormaient dans deux tentes séparées. Voilà un témoignage qui pourrait avoir son importance. » (17 février 2017)
[87] On pourrait ajouter : « Et a été aimé de ceux qu’il a croisés. Les témoignages de son rayonnement sont nombreux, y compris durant la guerre 1914-1918 et la Croisière Jaune ».
[88] « Lettres de voyage » p 10, Grasset 1956
[89] « Science et Christ » Tome IX, p 166, Seuil 1965.
[90] « Quelques réflexions sur la conversion du monde » 1936. p 166, Seuil. 1965.
[91] « Le Cœur de la Matière »1950. Peu avant, dans ce texte, il écrit: « ….Il découvrit dans un éclair, et partout présent autour de lui, l’Unique Nécessaire. /…Il serait désormais un étranger ». Tome XIII, p 87- 88, Seuil 1976.
[92] Claude Rivière « En Chine avec Teilhard » Lettre du 3 Mars 1943, p 232, Seuil 1968.
[93] Catéchèse du mercredi matin (second récit de la Création, second chapitre de la Genèse) Rome.
[94] « Quelques exercices spirituels » (21) p 59. La version de 1548 est : « Par lesquels l’homme est conduit à pouvoir se vaincre lui-même et à fixer son mode de vie par une détermination libre d’attachement nuisible » Seuil 1982.
[95] « Le Phénomène humain » Tome I, p 329, Seuil 1955
[96] Pierre Teilhard de Chardin « Journal » 31 octobre 1950. Inédit.
[97] « Le Prêtre » Tome XII, p332, 8 juillet 1918 Seuil 1965.
[98] « Lettres inédites » p 80, octobre 1929, Le Rocher 1988.
[99] Ici encore, c’est le Père Teilhard de Chardin qui souligne.
[100] « Le Milieu divin » rédigé en 1926-1927. Tome IV, p 56, Seuil 1957.
[101] « Correspondance de Pierre Teilhard de Chardin et Lucile Swan » Postface du Père Gustave Martelet sj, p. 425, Lessius 2009.